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La tunisie insolite

Loin du tourisme de masse, existe une tunisie insolite et secrète que les voyageurs découvrent, étonnés.
Un pays d'une richesse culturelle incroyable aux parfums d'orient et de méditerranée, métissage résolument créatif où se mêlent des langages d'origines multiples, des traditions profondément ancrées que leurs habitants aiment partager.
Un sens de la convivialité à nul autre pareil, des parures dont les oiseaux de paradis pourraient être jaloux, des légendes parsemées sur les sentiers secrets qui mènent à des joyaux d'architecture que le temps et les hommes ont oublié sur la route.
Mais également insolite, secrète, humoristique...une Tunisie aux mille visages...La rencontre avec un autre monde



samedi 26 décembre 2009

La tabuna des soeurs berbères à Ras El Oued


C'est l'histoire d'une rencontre que les mots peuvent difficilement décrire. Je parlerai plutôt de sensations visuelles, olfactives, gustatives pour parler de cette immersion avec le monde berbère des origines.
Trois femmes habitent une petite maison au sommet de la colline de Ras El Oued. Elles sont tisseuses, bergères, cultivatrices. Elles n'ont pas trouvé de mari, car elles n'avaient pas de dot. Alors elles vivent là, comme autrefois, dans leur grotte. Dans la cour, quelques poules et un coq, un four pour cuire la tabuna, délicieuse galette de pain qu'elles me font goûter avec la confiture de dattes noire et glissante et l'huile d'olive. Inoubliable saveur.
Elles ne parlent pas un mot de français mais dans leurs yeux ce sourire comme une flamme vivante vaut bien tous les langages.
Sur l'horizon le soleil se couche découpant les montagnes du Djebel Dahar, tableau irisé aux allures de film fantastique, quelques femmes berbères en robe rouge, bouffante sur les reins, un grand voile de broderie anglais blanche couvrant la tête, se hâtent vers leurs maisons. Leur démarche oscille de droite à gauche et leur vêture éclabousse de couleur la dernière rue du village qui s'arrête là, brutalement, au-dessus du vide, comme si la dernière pluie torrentielle avait entraîné tout un pan de montagne dans l'oued désertique.
L'odeur de la galette, plaquée sur la paroi de terre brûlante, empli l'espace, avant-goût de délice tiède, et déjà la salive humecte le palais tandis que le coq déchaîné entame une série de cris enroués pour saluer le soleil qui sombre glorieusement derrière la chaîne de montagne.
A l'intérieur de la grotte, la plus âgée des trois soeurs trie une grosse touffe de laine moutonneuse pour en tirer des fils torsadés qui serviront sur le métier à tisser pour un de ces merveilleux killims qui racontent l'histoire de leurs origines en asfour, en losanges, en motifs symboliques, premier langage du monde que leur culture n'a jamais oubliée.
A l'ouest de Ras El Oued, la nuit s'avance, tranquille, glissant dans l'espace comme un souffle qui répand le silence dans la vallée, aujourd'hui comme hier ressemble à demain et la nuit n'en a cure, elle est reine du lieu et le doigt sur la bouche les djins se rassemblent pour quelque farandole sur les crêtes isolées.
Le coq désespéré de perdre la lumière s'est enfin apaisé. La tabuna est cuite. Je plonge la galette dans ce miel noir et liquoreux...et le temps s'est arrêté.

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